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 Fête de SAINT AUGUSTIN PROFESSION SOLENNELLE

+ Fête de SAINT AUGUSTIN PROFESSION SOLENNELLE

Homélie prononcée par le Très Révérend Père Dom Jean Pateau Abbé de Notre-Dame de Fontgombault

(Fontgombault, le 28 août 2021)

Tu vois la Trinité, si tu vois la charité. ( De Trinitate VIII, 7, 12) Chers Frères et Sœurs, Mes très chers Fils, et vous particulièrement qui allez émettre vos vœux solennels de religion, Cette formule tirée de l’œuvre de saint Augustin répond au drame de toute vie humaine inquiète de savoir d’où elle vient et où elle va, inquiète au fond de trouver Dieu, et pour cela d’en connaître le chemin. Augustin pose un jalon : il ne peut espérer voir Dieu, celui qui ne voit pas la charité. Depuis que vous êtes entré au monastère, saint Benoît ne vous a pas conduit par un autre chemin, lui qui invite ses fils à « Chercher Dieu » en déployant les trésors Du bon zèle que doivent posséder les moines : [Les moines], écrit-il, s’honoreront mutuellement... ; ils supporteront entre eux avec la plus grande patience les infirmités physiques et morales; ils s’obéiront à l’envi... ; nul ne recherchera ce qu’il juge utile à soi-même mais ce qui l’est à autrui ; ils se prodigueront en toute pureté une charité de frères. (Règle de saint Benoît, c.72) A cette école, le monastère devient vite un atelier où tous s’empressent à la pratique de la charité, un atelier qui est le lieu favorable où le miracle de la transformation des cœurs s’accomplira : Si la charité vous plaît quand on la loue, écrivait saint Augustin, qu'elle vous plaise tellement que vous la gardiez dans votre cœur. Si l'on vous montrait un vase ciselé, doré, artistement travaillé, et si ce vase séduisait vos yeux, attirait sur lui l'attention de votre cœur, si la main de l'artiste vous plaisait, et le poids de l'argent et la splendeur du métal, est-ce que chacun de vous ne dirait pas : « Oh ! si je pouvais avoir ce vase » ?... Or, on fait devant vous l'éloge de la charité. Si elle vous plaît, ayez-la, possédez-la : il n'est besoin de voler personne, ni de penser à l'acheter ; elle se donne pour rien. Prenez-la donc et attachez-vous étroitement à elle. (Commentaire sur l'Épître de saint Jean, VII, 9). Le moine est par nature un conspirateur pour la cause de la charité. Tantôt il puise dans la respiration d’amour de sa communauté ; tantôt il l’alimente de sa propre respiration. Dès les premiers jours de votre vie monastique, en vous confiant non en vos propres forces, mais dans la grâce que Dieu a promise à tous ceux qui espèrent en lui, vous avez reconnu que c’est Dieu seul qui était au principe de la vie de la communauté, comme au principe de la vôtre. Vous n’exprimerez pas autre chose aujourd’hui en frappant encore à la porte du cœur de Dieu : Recevez-moi, Seigneur, et je vivrai. Saint Augustin, comme nous tous, a mis du temps à comprendre ce mystère de la présence de Dieu tout à la fois si actif et ignoré au cœur de nos vies. Voici comment il l’exprimait en d’inoubliables et admirables paroles : Tard je t'ai aimée, Beauté si ancienne et si nouvelle, tard je t'ai aimée ! Mais quoi ! Tu étais au-dedans de moi et j'étais, moi, en dehors ! Et c'est au-dehors que je te cherchais ; je me ruais dans ma laideur sur la grâce de tes créatures. Tu étais avec moi et je n'étais pas avec toi, retenu loin de toi par ces choses qui ne seraient point, si elles n'étaient en toi. Tu m'as appelé et ton cri a forcé ma surdité ; tu as brillé et ton éclat a chassé ma cécité ; tu as exhalé ton parfum, je l'ai respiré et voici que pour toi je soupire ; je t'ai goûtée et j'ai faim de toi, soif de toi ; tu m'as touché et j'ai brûlé d'ardeur pour la paix que tu donnes. (Conf. X, 27, 38) Avec Dieu nous sommes et nous serons toujours en retard, lui nous devance, frappe sans relâche à la porte de notre cœur, rappelant qu’il est là. Et que faire lorsque l’appel a été entendu ? Quelle mission nous attend ? L’évangile de ce matin y répond : Vos estis sal terræ… Vos estis lux mundi. Vous êtes le sel de la terre… Vous êtes la lumière du monde. Cet appel, qui vaut pour tout homme, s’adresse en particulier aux religieux, et en tout premier lieu aux moines. Être sel, être lumière, cela semble si simple ! Le sel sale parce qu’il est sel, et la lumière rayonne parce qu’elle est lumière. Le convive se réjouit de la saveur d’un plat convenablement salé, et l’homme rend grâce pour les beautés de la création qu’il voit à la lumière du soleil. Mais comment un moine, reclus derrière sa clôture, pourra-t-il rayonner ? Comment pourra-t-il susciter dans le cœur des hommes une louange de gloire à Dieu ? Comme le sel, comme la lumière, le moine rayonnera tout simplement par la fidélité à ce qu’il est, à sa vocation : qu’il cherche Dieu, qu’il soit l’homme du désir de Dieu. Déjà par ce qu’il est, la vie du moine est prière. Écoutons encore saint Augustin : Le désir est une prière continuelle, alors même que la langue garde le silence. Si tu ne cesses de désirer, tu ne cesses de prier. Quand la prière sommeille-t-elle ? Lorsque le désir s'est refroidi. (Serm. 80,7) A la part de prière qui occupe le moine, s’ajoute celle du travail. Augustin, écrivait le Cardinal Ratzinger, « est devenu un homme de plus en plus ordinaire parmi les hommes, il est devenu le serviteur de tous, et ainsi il est vraiment devenu un saint. En effet, la sainteté chrétienne ne consiste pas en quelque chose de surhumain, en un talent ou une grandeur formidable que quelqu’un d’autre n’aurait pas. La sainteté chrétienne, c’est tout simplement l’obéissance, se mettre à disposition là où Dieu nous appelle, cette obéissance qui ne fait pas confiance à sa propre grandeur, mais qui accepte tout de la grandeur de notre Dieu. » (Dogme et Annonce, Paris, Parole et Silence, 2012, p.384) Qui mieux que Marie a vécu ces lignes ? Ce que vous admirez extérieurement en Marie, disait saint Augustin reproduisez-le dans l'intérieur de votre âme. Croire de cœur pour être justifié, c’est concevoir le Christ ; confesser de bouche pour être sauvé, c’est l'enfanter. (Serm. 191,4) Telle est aussi la vocation du moine : contempler et louer. Écoutons encore l’évêque d’Hippone chanter la beauté de celui qui a conquis, fasciné son cœur, votre cœur, nos cœurs : Pour nous qui croyons, que l'Époux apparaisse toujours dans sa beauté. Il est beau comme Dieu, puisque le Verbe est Dieu ; il est beau dans le sein de la Vierge, où il se revêt de la nature humaine sans se dépouiller de la nature divine ; il est beau dans sa naissance, ce Verbe enfant. Il est donc beau dans le ciel et beau sur la terre, beau dans les entrailles virginales, beau dans les bras maternels, beau dans ses miracles et beau dans la flagellation, beau quand il nous invite à sa vie, beau quand il méprise la mort, beau quand il donne son âme et beau quand il la reprend, beau sur la croix, beau dans le sépulcre, beau dans le Ciel. (Tr. Psaumes 44,3)

Amen.

Tag(s) : #homelies de Fontgombault

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