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HOMELIES DE FONTGOMBAULT

ASSOMPTION

Homélie du Très Révérend Père Dom Jean PATEAU Abbé de Notre-Dame de Fontgombault

(Fontgombault, le 15 août 2020)

Chers Frères et Sœurs, Mes très chers Fils,

Alors qu’au plus chaud des feux de l’été, la liturgie déploie les fastes des plus grandes solennités, la lecture du livre de Judith nous plonge dans une des pages les plus sombres de l’histoire du peuple élu. L’empereur babylonien Nabuchodonosor avait envoyé son armée à la conquête de l’ouest de l’Assyrie. Les succès s’ajoutant aux succès, l’armée est arrivée aux portes d’Israël et assiège une ville nommée Béthulie. Pour beaucoup de ses habitants, l’avenir est désespéré. Mais voici que se lève une pieuse veuve, Judith. Après avoir pris le temps de la prière, elle se rend dans le camp ennemi. Sa sagesse séduit Holopherne, le général, et tous ses officiers. Quelques jours plus tard, profitant de l’ivresse du chef de guerre, Judith l’exécute. Le peuple exulte ; la ville est libérée ; l’armée ennemie part en déroute. Pourquoi se souvenir de l’éloge de Judith en ce matin de l’Assomption ? Quels liens entre l’humble Vierge de Nazareth et la libératrice de Béthulie ? Le retour de la veuve victorieuse dans sa ville ne peut que très modestement préfigurer l’arrivée de Marie dans la gloire céleste. Aussi est-ce ailleurs, semble-t-il, qu’il faut chercher le motif de ce rapprochement. Comme Judith, la Vierge de Nazareth s’est trouvée au centre d’un combat, du pire des combats. À l’image de la ville de Béthulie, l’homme est assiégé depuis les origines, esclave du péché, prisonnier de multiples addictions. Au temps fixé, Marie se lève, du milieu de la marée humaine, seule étrangère, par un privilège unique, à la généalogie infernale du mal qui marque inexorablement tout homme entrant en ce monde. Si la Vierge Marie triomphe de Satan, c’est parce qu’elle a accepté librement la parfaite réalisation de ce que Dieu avait voulu pour chacun d’entre nous. Au commencement, Dieu avait prononcé une parole : « Que la lumière soit. » Et la lumière a brillé. Elle brille encore dans les créatures, dans ce soleil qui nous éclaire. Au terme de l’œuvre de sa création pourtant, Dieu a dit une autre parole : « Faisons l’homme à notre image et à notre ressemblance. » Parole inattendue, qui suggère que la lumière du premier jour ne suffit plus désormais. L’homme est appelé à vivre sous une autre lumière, plus vive, plus puissante : Dieu lui-même. Entre Dieu et chaque homme subsiste non seulement le lien qui unit toute créature à son Créateur, mais aussi un lien plus profond, qu’exprime l’affirmation de saint Paul aux Galates : « Ce n’est plus moi qui vis, c’est le Christ qui vit en moi. » (2,20) Pour attirante qu’ait été cette perspective de la vie de Dieu en nous, elle n’a pas éclipsé aux yeux de l’homme la tentation de faire sa propre vie en s’éloignant de Dieu, et il y succomba dès les premiers temps. Aujourd’hui encore, pour beaucoup de nos contemporains, pour nous-mêmes parfois, vivre loin de Dieu, s’émanciper de ses commandements, c’est marcher à la conquête d’une plus actuelle et plus totale liberté, c’est œuvrer pour le progrès de notre race… Est-si certain ? Vivre loin de Dieu volontairement, c’est renoncer à la lumière du Christ qui devrait recréer l’homme à l’image de Dieu. C’est aussi renoncer à vivre pleinement dans la lumière de la première parole, celle de la création. La liberté qui consiste à recevoir l’œuvre de Dieu comme un don, à entrer dans la belle harmonie du plan divin, à faire sien son être d’homme ou de femme, à déployer cet être au sein de la création et en particulier au milieu des autres hommes, cette vraie liberté cède la place à sa grimace, une liberté effrontée, en révolte, effondrée sur elle-même, enchaînée par le désir frénétique d’obtenir ce qui n’a jamais été obtenu, de vivre ce qui n’a jamais été vécu. L’état de la terre, des hommes, des sociétés, témoigne déjà des conséquences du refus de la belle ordonnance, don de l’intelligence et de l’amour divins : chaos dans la nature, chaos dans les familles, chaos dans la société, chaos dans le cœur de l’homme. Acteur du progrès, l’homme se proclame le maître de tout. Les limites cèdent jusqu’à celles de l’absurde. Depuis longtemps, la machine législative a entamé une course inexorable. Il est si facile de faire voter des lois qui vont contre le bon sens. Sera-t-il aussi facile de soumettre la création et les créatures victimes à notre manque de bon sens ? « La qualité d’une civilisation se mesure au respect qu’elle porte aux plus faibles de ses membres » disait le professeur Jérôme Lejeune. Nous avons tout lieu d’être inquiets. La vision de ce matin est tout autre. Marie entre au Ciel. La troupe céleste est en fête. Celle que la lumière drape d’un précieux manteau et dont la lune porte les pieds, brille déjà de la lumière divine qui est en elle. L’épouse arrive, parée pour son époux. Dieu a choisi Marie, et Marie a choisi Dieu. Cette vision de gloire nous ramène à la rencontre cachée de Nazareth. Là, Marie accueille sans restriction la volonté de Dieu sur sa vie : « je suis la servante du Seigneur ». À tout jamais, préservée de l’esclavage du NON, elle vivra chaque jour en plénitude son OUI à Dieu. Quel plus vif désir pour notre Maman du Ciel que celui de voir ses enfants marcher à sa suite ! Trahe nos, Virgo Immaculata : entraînez-nous, Vierge Immaculée. Tirez-nous sur le chemin du Ciel, nous qui voulons être avec vous, en vous, serviteurs et servantes du Seigneur. En vous contemplant dans la gloire et couronnée, nous aspirons à entrer au ciel et à y recevoir la couronne des élus. C’est alors que la fête d’aujourd’hui prend tout son sens : fête de Marie, fête du Ciel, fête de l’Église, fête en nos âmes. Marie témoigne de la belle liberté des enfants de Dieu. La terre n’a pu retenir ni l’âme, ni le corps de celle qui déjà était par sa vie tout en Dieu. Henri Bergson invite à un examen de conscience quand il affirme : « L’homme devrait mettre autant d’ardeur à simplifier sa vie qu’il en met à la compliquer. » Si nos vies sont si compliquées, c’est que le mal y est entré. Marie vit avec simplicité l’instant présent, laissant Dieu accomplir son œuvre et y coopérant. Le chemin des saints est plus simple que celui des méchants. Que la lumière de l’Assumpta éclaire les chemins de toute vie humaine. Qu’elle réveille en nos cœurs l’ardent désir de poursuivre sans relâche la route du OUI, celle qui mène tout droit au ciel, libérés de toute entrave afin d’y partager tous la gloire et la joie des élus. Amen, Alleluia.

ASSOMPTION AUX VÊPRES,

AVANT LA PROCESSION DU VŒU DE LOUIS XIII.

Allocution du Très Révérend Père Dom Jean PATEAU Abbé de Notre-Dame de Fontgombault

(Fontgombault, le 15 août 2020)

Chers Frères et Sœurs, Mes très chers Fils,

AU soir de cette journée, fidèles au vœu du roi Louis XIII, nous allons processionner en l’honneur de Marie au chant des Litanies de Lorette, du Chez nous soyez Reine et de l’Ave Maria de Lourdes. A Cette année, trois nouvelles invocations, conformément à la volonté du saint-Père, ont été ajoutées aux vocables traditionnels des Litanies de Lorette : Mater misericordiae, Mater spei et Solatium migrantium. Arrêtons-nous à chacune de ces nouvelles invocations. À quelques kilomètres de Pellevoisin, la première invocation, Mater misericordiae, “Mère de miséricorde”, ne peut laisser indifférent. Marie en effet s’y est révélée comme la « toute miséricordieuse ». Ce nouveau vocable placé après Mater Ecclesiae a été employé par saint Jean-Paul II dans son encyclique sur la miséricorde, Dives in misericordia : Marie, écrit-il, est [...] celle qui, d’une manière particulière et exceptionnelle [...] a expérimenté la miséricorde, et en même temps [...] a rendu possible par le sacrifice du cœur sa propre participation à la révélation de la miséricorde divine. […] Personne n’a expérimenté autant que la Mère du Crucifié le mystère de la croix, la rencontre bouleversante de la justice divine transcendante avec l’amour : ce « baiser » donné par la miséricorde à la justice. […] Marie est donc celle qui connaît le plus à fond le mystère de la miséricorde divine. Elle en sait le prix, et sait combien il est grand. En ce sens, nous l’appelons aussi Mère de la miséricorde. (n° 9) La miséricorde ouvre à l’espérance. Le Christ est notre espérance, notre seule espérance. En nous donnant le Christ, Marie est Mère de l’Espérance. Du cœur d’un tombeau a jailli la lumière du matin de Pâques. L’espérance est la vertu chrétienne par excellence. Trop souvent contaminés par le pessimisme ambiant, que Marie nous aide à porter sur le monde un regard d’espérance : rendre grâces pour ce qui est beau, et remettre au Christ ce qui doit être restauré. La dernière invocation, Solatium migrantium, “Réconfort des migrants”, est motivée par l’inquiétant déplacement de tant de populations. Quel homme souhaiterait quitter la terre de ses ancêtres, quitter la proximité de sa famille, vivre en éternel déraciné ? Il faut le reconnaître : la rapidité des déplacements, du transfert d’une information dans le monde actuel relativise l’attachement à l’endroit où se trouve l’homme. Tout est pratiquement accessible partout. Quels liens retiendront alors les hommes quand le fléau de la guerre, la tentation d’une vie meilleure l’inviteront à marcher vers d’autres cieux ? Les migrants ne sont pas seulement ceux qui marchent sur les chemins de la terre. Combien empruntent les chemins virtuels de l’internet, abandonnant famille et amis pour un pays de rêves et de plaisirs sans consistance, voire mauvais. Que le cœur de Marie soit le refuge où tous les migrants, retrouvant la joie d’une demeure, reçoivent consolation et reprennent goût à une vie vraiment humaine. Chantons donc maintenant notre Maman du Ciel.

Tag(s) : #homélies de Fontgombault

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