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les lieux monastiques
les lieux monastiques

la salle de musique

. « Le moine est un amoureux. Il a tout quitté pour le Bien-Aimé. Le chant est son langage normal, comme pour l’Épouse du Cantique. Il est la voix de son âme, il en est le trop-plein débordant; voix libre de l’amour à qui la musique mesurée ne suffit pas – les barres de mesure lui étant des barreaux. Rien ne convient mieux, au contraire, à cet élan d’amour que le chant grégorien avec ses mélodies qui se déploient à l’infni comme les jubilus d’alléluias, dans la régularité souple du tempo, qui jaillissent du mot latin, l’épousent et le transfigurent : mouvements de vagues, sac et ressac de la psalmodie. « Mais cette liberté n’est pas pure spontanéité. Loin s’en faut! Faire chanter cinquante moines ensemble demande une bonne dose de discipline. Aussi nous faut-il travailler, travailler, travailler… » Concrètement, tu te demandes peut-être comment s’organise notre étude des rudiments. Outre les répétitions propres à la schola (les chantres) et aux novices, la communauté tout entière se réunit 30 minutes par semaine. Cette classe de chant permet de travailler la justesse et le solfège. Nous y assimilons aussi le geste rythmique. Et de temps en temps, un chanteur lyrique vient nous apprendre à poser notre voix, à dilater nos capacités de souffle. On se fait dans de tels cours des tas de nouveaux amis : le porrectus, le torculus, le podatus et le brave cephalicus, tous ces groupements de notes plus ou moins carrées au nom merveilleusement expressif. Je n’oublierai pas de te dire un mot de l’apprentissage le plus diffcile en grégorien : la pratique de l’ictus, ce doux rebond de la mélodie dans lequel un mouvement se repose pour que le suivant y trouve sa source. Quelle peine nous donne cet ictus de malheur! Car il n’est pas toujours visible sur la partition, il se cache souvent, et avec cela, il est capricieux et ne revient pas régulièrement. Chanter en grégorien, cela s’apprend .IL faut pourtant bien que nous le marquions tous au même endroit. Car ce « touchement », comme l’appelait Dom Gajard, bien qu’imperceptible à l’oreille, structure la mélodie et permet à cinquante bonshommes de chanter ensemble sur un rythme libre. Encore que, tous ne s’accordant pas sur la place de tous les ictus, qu'on ne puisse se passer de la douce et ferme conduite d’un Maître de chœur. Ai-je répondu à toutes tes interrogations sur la place du chant dans notre vie, mon cousin? Vivement le ciel, où notre chant trouvera sa pleine liberté dans un amour sans borne et une béatitude sans limite, car « nous Le verrons tel qu’Il est ». Videbimus, amabimus, cantabimus (nous verrons Dieu, nous aimerons, nous chanterons), a si bien dit saint Augustin. Ici-bas rien n’est parfait, nous faisons du moins de notre mieux pour « devenir des alléluias vivants », comme le souhaitait dom Guéranger, je crois. Et toi, mon cousin, chantes-tu parfois les louanges de Dieu ? Essaie, tu verras comme cela dilate l’âme!

Placidus,   ton cousin qui t’embrasse.

 

extrait de la lettre d'un novice à son cousin

 (les amis du monastère 149/ Abbaye sainte Madeleine du Barroux)

Tag(s) : #les lieux monastiques

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